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Bosnie-Herzégovine : des solutions systémiques et un soutien significatif de l’UE, en ce compris des voies d’accès sûres, pourraient éviter des urgences humanitaires récurrentes

Des centaines de migrant.e.s et de demandeur.se.s d’asile sont toujours bloqué.e.s dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, sans amélioration en vue. Et cela, alors que les responsables politiques à tous les niveaux ont été incapables de se mettre d’accord sur leur réinstallation dans des structures dignes et humaines dans d’autres parties du pays. Pour la troisième semaine d’affilée, ils et elles sont coincé.e.s sur le terrain vague couvert de neige fondue qui, jusqu’au 23 décembre, accueillait le camp de fortune temporaire de Lipa. Seuls quelques tentes délabrées et conteneurs leur permettent de s’abriter des températures négatives et de la neige.

 

D’importantes organisations de défense des droits humains exhortent les autorités de Bosnie-Herzégovine à fournir immédiatement un soutien humanitaire, en ce compris de l’assistance et des abris adaptés, aux migrant.e.s et demandeur.se.s d’asile sur leur territoire. En outre, la Bosnie-Herzégovine doit respecter ses obligations internationales et faire appliquer ses propres lois, notamment en assumant son entière responsabilité en matière de logement et de protection des personnes dans le besoin et en mettant en place un système d’asile efficace. La Bosnie-Herzégovine a aussi l’obligation d’assurer un accès sûr et sans entrave aux organisations humanitaires qui viennent en aide aux personnes réfugiées et migrantes.

En l’absence de solutions durables et systémiques, visant notamment à responsabiliser les autorités de Bosnie-Herzégovine, les crises humanitaires telles que celle observée lors des fêtes de fin d’année se répètent désormais inévitablement chaque hiver. L’impasse politique qui a conduit à ce que des personnes dans le besoin se retrouvent sans abri alors que des structures sont disponibles souligne la nécessité d’une réponse institutionnelle et globale.

Bien qu’ils aient contribué à atténuer les crises passées, les accords politiques de dernière minute, les financements d’urgence et les solutions provisoires ne pourront à eux seuls résoudre les défaillances systémiques. En l’absence d’améliorations durables, cette approche de gestion des crises risque de nuire à la capacité de la Bosnie-Herzégovine à développer une réponse institutionnelle efficace et pérenne à la migration et diminue sa redevabilité.

Au-delà de l’assistance financière et humanitaire nécessaire, l’Union européenne devrait aider les autorités de Bosnie-Herzégovine à développer leurs capacités à répondre aux besoins des personnes réfugiées, migrantes et des demandeuses d’asile sur leur territoire, conformément à leurs obligations internationales. La situation en Bosnie-Herzégovine étant une conséquence directe de la politique de migration et d’asile de l’UE, qui protège ses frontières extérieures et délègue ses responsabilités en matière de protection des migrant.e.s et demandeur.se.s d’asile aux pays voisins, l’Union a une responsabilité envers la Bosnie‑Herzégovine.

Au bout du compte, cependant, seules une solidarité renforcée entre les États membres de l’UE et des mesures européennes concrètes visant à augmenter significativement les voies d’accès sûres et légales vers l’Europe, tant pour les personnes réfugiées que migrantes, permettront d’éviter des crises humanitaires aux frontières extérieures de l’UE.

 

 

Des milliers de personnes migrantes et demandeuses d’asile sans abri en Bosnie‑Herzégovine

 

Dans le camp de fortune de Lipa, dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, quelque 900 personnes dorment à la belle étoile, bravant la neige et les températures négatives, depuis maintenant plus de trois semaines. Le camp de tentes qui avait été érigé l’an passé en guise de solution d’hébergement temporaire face à la pandémie de COVID-19 a été fermé le 23 décembre. L’incendie a détruit une grande partie du camp, ne laissant derrière lui qu’un terrain vague en piteux état et inhabitable.

Malheureusement, les responsables politiques à tous les niveaux de gouvernement du pays s’étant montrés incapables de conclure un accord, toutes les tentatives de réinstaller les résident.e.s du camp de Lipa dans des centres d’accueil adaptés aux conditions hivernales ailleurs en Bosnie-Herzégovine ont échoué.

Le week-end dernier, les autorités ont installé 20 grandes tentes chauffées dans le camp de Lipa, mais plus de 350 personnes ne disposent toujours que d’un abri de fortune. Sans accès à l’eau courante, à des installations sanitaires adéquates et à un système de chauffage, la santé et la sécurité des résident.e.s du camp sont gravement menacées. De ce fait, le camp de Lipa n’est pas une option d’hébergement à long terme.

Depuis la fermeture du camp de Lipa, près de 2 500 personnes supplémentaires se sont retrouvées sans abri en Bosnie-Herzégovine. Malgré les conditions hivernales rigoureuses, bon nombre d’hommes, de familles avec enfants et de mineur.e.s non accompagné.e.s continuent de chercher refuge dans des parcs, des maisons abandonnées, des usines désaffectées et des forêts proches de la frontière croate.

 

 

Une crise humanitaire évitable

 

L’actuelle crise humanitaire était pourtant prévisible – et totalement évitable. Comme chaque année, à l’approche de l’hiver, les organisations humanitaires et de défense des droits humains ont prévenu que si elles n’avaient pas accès de toute urgence à des structures adéquates supplémentaires, de nombreuses personnes n’auraient d’autre choix que de passer les longs mois d’hiver sans abri digne de ce nom.

Quelque 8 500 personnes migrantes et en demande d’asile vivent actuellement en Bosnie-Herzégovine, parmi lesquelles environ 6 000 sont hébergées dans des centres d’accueil gérés par l’ONU. Alors que d’autres installations bien équipées, avec un nombre de lits significatif, ont été mises en place avec l’aide financière de l’UE, telles que le centre d’accueil de Bira, près de Bihac, les autorités locales empêchent leur utilisation. Des structures similaires existent dans d’autres parties du pays, mais le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine et les autorités locales ne sont pas parvenus à un accord quant à leur utilisation, ce qui rend pour le moment impossible la réinstallation des migrant.e.s et demandeur.se.s d’asile sans abri.

La structure constitutionnelle complexe de la Bosnie-Herzégovine rend souvent les chaînes de responsabilités peu claires. Par ailleurs, une volonté politique de coordonner la réponse aux crises et de gérer les questions relevant d’une responsabilité partagée fait défaut dans le pays. En effet, depuis des années, le canton d’Una-Sana, situé à la frontière croate, doit gérer seul la majorité des migrant.e.s et demandeur.se.s d’asile bloqué.e.s sur le territoire du pays. Il a donc riposté en prenant des mesures visant à prévenir les nouvelles arrivées dans le canton.

Au fil des ans, et malgré le soutien significatif de l’UE et des organisations internationales, les autorités n’ont jamais pleinement assumé leurs responsabilités en matière de fourniture de logement ou de soutien aux personnes migrantes, demandeuses d’asile et réfugiées. Alors que des organisations internationales, telles que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), interviennent pour combler les lacunes année après année, les accords informels en matière de gestion des solutions d’hébergement entre les autorités et les organisations humanitaires estompent les responsabilités individuelles et nuisent à toute réelle redevabilité.

La Bosnie-Herzégovine a le devoir d’offrir les garanties minimales aux migrant.e.s, demandeur.se.s d’asile et réfugié.e.s, notamment en respectant leur droit au logement et à un abri, à l’eau et à des installations sanitaires, à la santé et à la protection sociale, conformément au droit international et national. Le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine devrait envisager l’impasse actuelle et la crise humanitaire comme des opportunités d’assumer pleinement ses responsabilités en matière d’accueil et d’hébergement et, en coordination avec les autorités de l’entité et cantonales, développer une stratégie visant à assurer de manière adéquate l’hébergement et la protection des personnes dans le besoin. Après tout, un système d’asile efficace et un soutien adapté en matière d’accueil et de logement pour les réfugié.e.s, migrant.e.s et demandeur.se.s d’asile font partie de l’acquis communautaire, que la Bosnie-Herzégovine s’est engagée à respecter en tant que pays aspirant à adhérer à l’UE.

 

 

 

Crise humanitaire dans les Balkans – une conséquence inévitable de la politique d’externalisation de l’UE

 

Si les autorités de Bosnie-Herzégovine ont bel et bien une part de responsabilité dans l’urgence actuelle, la détérioration de la situation humanitaire dans le pays est aussi une conséquence de la politique de l’UE visant à consolider ses frontières extérieures et à déléguer le contrôle des migrations aux États membres à sa périphérie ou à des pays tiers – où les droits des personnes réfugiées, demandeuses d’asile et migrantes sont systématiquement menacés.

En effet, des camps surpeuplés sur les îles grecques aux campements de fortune en Bosnie-Herzégovine, les personnes à la recherche de protection et d’une vie meilleure en Europe se retrouvent confrontées à une politique frontalière répressive, à des fils barbelés, à des conditions inhumaines et indignes, ainsi qu’à des situations d’incertitude permanente. La crise humanitaire dans les Balkans était en gestation depuis des années, quand les États membres de l’UE ont fermé les principaux points d’entrée sur le territoire européen – sans prévoir d’autres voies d’accès légales. Le durcissement des politiques migratoires européennes a créé un goulet d’étranglement de plus en plus important aux frontières extérieures de l’UE, notamment celle avec la Croatie, et a conduit à la création de camps surpeuplés et inhumains, comme celui de Lipa.

Si l’UE fournit de l’assistance financière et technique à la Bosnie-Herzégovine, ce soutien est souvent axé sur des solutions à court terme. Le 3 janvier, la Commission européenne a annoncé une enveloppe supplémentaire de 3,5 millions d’euros pour venir en aide aux personnes réfugiées et migrantes actuellement sans abri en Bosnie-Herzégovine, portant ainsi le total de cette aide à 13,8 millions depuis 2018. Globalement, au cours des trois dernières années, l’UE a mobilisé plus de 88 millions d’euros pour aider le pays à répondre aux besoins immédiats de ces personnes et renforcer ses capacités de gestion des migrations.

Bien qu’essentiels, l’assistance financière allouée à des réponses à court terme et le financement d’urgences spécifiques n’auront qu’un effet limité en l’absence d’un dialogue décisif portant sur des solutions significatives à long terme. L’approche permanente de gestion des crises, déployée principalement par la Commission européenne, sans exiger de progrès concrets quant aux critères d’adhésion, n’encourage pas les autorités de Bosnie-Herzégovine à assumer davantage leurs responsabilités.

En réaction à cette crise, la Commission devrait définir clairement les engagements qu’elle attend des autorités de Bosnie-Herzégovine quant à la mise en place d’institutions robustes et à leur volonté d’apporter une réponse adéquate aux besoins des personnes sur leur territoire. Cela inclut d’identifier des logements adaptés dans toutes les régions du pays et d’assumer progressivement la gestion et la fourniture de la protection et de l’assistance. De plus, les lacunes dans le système d’asile du pays, en ce compris le manque constant de ressources et de capacités du ministère de la Sécurité et l’incapacité à offrir les garanties procédurales en termes de protection internationale, devraient être résolues de toute urgence. Les progrès en la matière devraient être évalués dans le cadre du processus d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine, tel qu’envisagé aux chapitres 23 et 24.

À cette fin, la Commission européenne doit veiller à ce qu’une assistance technique et financière suffisante, prévisible et à long terme soit fournie à la Bosnie-Herzégovine.

L’UE a la responsabilité de continuer à offrir un soutien significatif à ses pays voisins pour garantir que les personnes temporairement bloquées sur leur territoire en conséquence de ses mesures de confinement et de ses politiques migratoires restrictives aient accès à un abri, à de la protection et à un système d’asile. Tant qu’aucune voie d’accès sûre et légale ne sera fournie, les droits des migrant.e.s et des réfugié.e.s continueront à être bafoués. Il est regrettable que le pacte européen sur la migration et l’asile n’ait pas cette ambition et ne propose à nouveau qu'une stratégie de confinement des migrant.e.s, réfugié.e.s et demandeur.se.s d’asile dans les pays situés à la périphérie de l’Europe. Cette stratégie entraînera sans aucun doute de nouvelles violations des droits humains à l’avenir.

 

Photo : Valerio Muscella - Michele Lapini

 


 

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