Plus de 7000 personnes migrantes refoulées dans le désert d’Assamaka (Niger) en avril et mai 2025 : le cri d’alarme de Médecins du Monde

Plus de 7000 personnes en situation administrative irrégulière, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne (et en grande partie du Niger), ont été expulsées d’Algérie dans le désert d’Assamaka au Niger, en avril et mai 2025. « Il s’agit d’une vague de refoulement sans précédent », explique Dr Toupou Lancinet, coordinateur général de Médecins du Monde au Niger. « En effet, si ces expulsions sont fréquentes, c’est la première fois qu’autant de personnes migrantes sont expulsées d’Algérie en une seule fois », a-t-il ajouté. Par ailleurs, selon le gouvernorat d’Agadez, plus de 700 enfants ont été enregistrés parmi les milliers de personnes refoulées d’Algérie en avril et mai. Suite à la saturation du centre de transit destiné aux enfants, ces derniers ont été soit pris en charge par des familles d’accueil bénévoles, soit livrés à eux-mêmes dans les rues d’Agadez.

Sécheresse et manque d’eau potable : des conditions inhumaines

« Ces personnes traversent le désert en camion, dans des conditions climatiques extrêmes (sécheresse, température dépassant les 44°c, tempêtes de sable) et sans aucun accès aux soins médicaux, à de la nourriture ou à de l’eau potable. Elles n’ont plus aucun bien matériel. A la descente des camions, elles se ruent assoiffées vers les points d’eau mis en place par Médecins du Monde sur le site des personnes refoulées à Agadez », commente Toupou Lancinet.

Une situation inhumaine, comme en témoigne Zalika, une jeune fille rencontrée par les équipes de Médecins du Monde : « Les conditions sont terribles. Les camions sont à ciel ouvert, il fait extrêmement chaud. Dans celui où se trouvait mon mari, un homme est mort de déshydratation. Dès qu’on traverse une ville, nous hurlons pour que le chauffeur s’arrête et pour pouvoir avoir de l’eau. Mais il ne s’arrête jamais. Certains s’évanouissent, d’autres succombent à leurs blessures sur la route du retour. C’est horrible ».

En avril, le nombre de personnes migrantes accueillies sur le site d’accueil d’Agadez est passé de 400 à près de 2 600

En collaboration avec les équipes du district sanitaire d’Agadez, les équipes de Médecins du Monde (infirmier.es, sage-femmes, psychologues, travailleurs sociaux) interviennent notamment sur le site d’accueil et d’assistance pour personnes migrantes à Agadez, en assurant la prise en charge médicale et psychologique des personnes migrantes, ou en réorientant les cas les plus graves vers des structures de soins de santé secondaires. « En général, ce site accueille en moyenne 400 personnes chaque mois. En avril, il en a accueilli 2 600 ! Nous avons mené 446 consultations médicales lors des 5 dernières vagues d’arrivées en avril à Agadez. Les besoins sont immenses, les personnes ont souvent des traumatismes physiques, des douleurs gastriques, des maux de tête, des affections respiratoires et des dermatoses (en particulier les enfants de moins de 15 ans, y compris les mineurs non accompagnés). Ces maladies sont liées aux conditions insalubres qui leur sont imposées », alarme Toupou Lancinet.

De plus, Médecins du Monde est alertée par le nombre croissant de violences, y compris de violences sexuelles auprès de mineures, et de saisies illégales des biens.

Face à cette situation d’urgence, Médecins du Monde appelle :

• La communauté internationale : à veiller au respect des droits des personnes en situation de migration, conformément aux dispositions de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
• L’Union européenne : à assurer plus de protection, de respect des droits et de la dignité des personnes migrantes dans le cadre de la politique européenne de l’externalisation des frontières
• Les pays de départ de transit et d’accueil :
  • à appliquer les mesures d’accompagnement prévues en cas de rapatriement dans le cadre de l’immigration illégale
  • à entamer un dialogue humanitaire afin d’obtenir des solutions alternatives et durables pour répondre aux besoins de base (dont les soins de santé), tout en respectant les droits et la dignité des personnes migrantes.

En 2024, plus de 15000 personnes migrantes aidées

Médecins du Monde intervient auprès des personnes migrantes à Agadez depuis 2014. L’organisation leur apporte notamment des soins de santé et un soutien psychologique, a mis en place une infirmerie sur le site des personnes refoulées, a réhabilité trois centres de santé intégrés et déployé des cliniques mobiles à Agadez destinées aux personnes en situation de migration et aux communautés locales.

Par ailleurs, Médecins du Monde soutient aussi les structures sanitaires à Agadez, renforce les capacités des équipes médicales, fournit des médicaments et des intrants médicaux aux structures sanitaires, favorise l’accès aux soins de santé pour les femmes, les filles, les enfants et les victimes de violences.

En 2024, Médecins du Monde a permis à 11 839 personnes migrantes de bénéficier de services de santé adaptés (y compris des services de santé mentales) et à 4 641 autres, de bénéficier d’une assistance matérielle et de kits alimentaires à Agadez.

Note : le site d’accueil des personnes migrantes refoulées d’Agadez est un centre officiel placé sous la gestion du Gouvernorat d’Agadez, en coordination avec les partenaires techniques. Il vise à accueillir et à orienter les personnes refoulées principalement d’Algérie et de Libye, majoritairement de nationalité nigérienne, dès leur arrivée à Agadez.

Contact presse

Toupou Lancinet, coordinateur général de Médecins du Monde au Niger, sera en Belgique la semaine du 16 juin. 
Pour toute interview de Toupou Lancinet :

Elise Cartuyvels
GSM : +32 (0)491 53 54 93
elise.cartuyvels@medecinsdumonde.be

Photo © Kristof Vadino