Des fresques pour rapprocher les résident.es et les aidant.es dans les centres pour sans-abri

« Cela procure une sensation agréable », déclare Ismahil Alaoui (22 ans, Syrie), pinceau à la main. Il y a plus de deux ans, il a quitté son village près d'Alep et a atteint la Belgique quatre mois plus tard via la Libye et l'Italie. L'isolement dû au Covid, les problèmes de logement, une procédure d'asile interminable et des contacts rares avec sa famille en Syrie rendent sa situation difficile. Il a même été hospitalisé. Au centre Poincarré, il a trouvé un répit temporaire et relatif. « Pourtant, j'ai encore du mal à dormir. Mes pensées restent avec ma famille », confie Ismahil. Parfois, il trouve un travail temporaire et peut envoyer un peu d'argent chez lui. « Alors, je me sens un peu mieux et moins coupable. » La fresque à laquelle il participe aujourd'hui lui apporte un certain soulagement. « En peignant, je ressens une connexion avec les autres et les différences s'estompent. »

Le projet en place

La création de fresques comme partie intégrante de l'aide médicale : cela ne semble pas évident à première vue. « C’est vrai », explique Maite Machado, coordinatrice de Médecins du Monde dans les centres pour personnes sans-abri de Bruxelles. « Chacun des résident.es ici est engagé.e dans une lutte pour la survie. En participant à ce type d'activités créatives, ils et elles peuvent détourner leurs pensées, ne pas se concentrer sur leurs soucis quotidiens. De plus, c'est une belle manière de renforcer le lien de confiance entre les résident.es eux-mêmes et avec les aidant.es : la cohésion entre les personnes s'accroît et la barrière pour demander des soins diminue. Nous fournissons également une aide médicale dans des centres pour familles sans-abri : les enfants adorent cela et les mères peuvent souffler un peu. »

L'objectif est de développer, par la collaboration créative, la confiance et la solidarité qui rendent possible une prévention efficace en matière de santé et favorisent le bien-être mental. 

« Et en prime, l'intérieur parfois vétuste des centres bénéficie d'une amélioration esthétique », sourit Federica Viello, coordinatrice de la promotion de la santé pour Médecins du Monde.

Hommes seuls socialement isolés

Les résidents du centre d'urgence Poincarré sont des hommes seuls : « Il s'agit de Belges, de personnes sans papiers mais aussi, par exemple, de réfugiés de Palestine ou de Syrie. Les conditions difficiles en Belgique ou sur le chemin pour y arriver entraînent des difficultés psychologiques et un isolement social. »

Le premier défi était donc de susciter chez ces résidents l'ouverture nécessaire pour entreprendre ce projet. Grâce à des discussions informelles dans l'espace commun du centre Poincarré, les premières bases ont été posées. « Vous apprenez à les connaître et eux aussi apprennent à vous connaitre », raconte Federica. « Lentement, la confiance s'installe. Et alors, vous pouvez faire plus. »

La collaboration avec le collectif artistique Propaganza a apporté encore plus d'énergie. Après une réticence initiale, l'enthousiasme pour s'exprimer artistiquement et faire partie d'un projet significatif et utile a grandi. « Le premier jour, il y avait dix participants, le lendemain beaucoup plus. Cela a rendu l'expérience encore plus agréable ! » dit Viello.

Beaulieu

Au centre Beaulieu, des familles étaient accueillies jusqu'à récemment. Il est désormais fermé, les résidents et résidentes ont été transféré.es dans un autre centre d'accueil. « Le déménagement a été une nouvelle perturbation pour les enfants après des expériences déjà difficiles et incertaines. C'est pourquoi Machado et Viello ont voulu mettre en place un projet créatif pour eux et elles aussi. Comme le déménagement était imminent, cette fresque a été peinte sur de grands panneaux qui ont été emportés vers le nouveau centre. »

Avec les mères et les enfants de Beaulieu, un design pour la fresque a été créé. Il s'agissait d'un design coloré avec des scènes paisibles. Le jour même, des dizaines d'enfants étaient impatient.es de participer et des amitiés pour la vie ont été nouées.

Et maintenant ?

Les deux premières fresques étaient un projet pilote, dont Machado et Viello ont beaucoup appris et qui les a renforcées grâce à son succès relatif. Médecins du Monde avait déjà collaboré à une fresque dans un centre géré par le Plateforme Citoyenne BelRefugees. « Nous aimerions étendre le projet à d'autres centres et à d'autres activités. Il est question d'une collaboration avec un metteur en scène et un photographe. »

Les situations et expériences des résident.es sont si variées que leurs besoins sont très complexes et diversifiés. Grâce à ce projet, ils et elles savent qu'il existe des espaces où obtenir des soins et des informations sur leurs droits en matière de soins. Ainsi, les personnes peuvent devenir plus autonomes et améliorer leur bien-être pendant leur séjour ici. Des activités inclusives et adaptées favorisent une plus grande ouverture et implication des participant.es, et donc plus de succès.

« Les gens veulent vraiment participer », conclut Viello. « Et l’impact est réellement positif. »