Enfants et jeunes en mobilité, quels besoins en santé mentale ?

En Tunisie, des centaines de jeunes et d’enfants tentent la traversée vers l’Europe sur des embarcations de fortune chaque année, malgré les dangers mortels encourus. A travers une étude et avec le soutien de l’UNICEF, Médecins du Monde a mis en lumière les motivations de ces candidat·es à l'immigration irrégulière. L’étude vise à examiner leurs besoins en santé mentale, ainsi que les ressources disponibles et les obstacles à l'accès à ces services.

Depuis 2020, on observe une diversification des profils de personnes tunisiennes candidates à l’immigration irrégulière vers l’Europe. Celles-ci incluent non seulement des jeunes hommes et des familles mais aussi des mineur·es accompagné·es et non accompagné·es. En 2024, 7 598 Tunisiens et Tunisiennes ont été enregistré·es comme personnes migrantes irrégulières arrivant en Italie, dont 922 enfants accompagné·es et 1 307 enfants non accompagné·es.

L’étude de Médecins du Monde est qualitative et a été menée à Tunis et à Sfax, deux des villes ciblées par le projet: 
« Assurer la protection des enfants et des jeunes en mouvement ». Un groupe de 23 jeunes de 18-24 ans a participé à plusieurs ateliers participatifs et à des entretiens individuels. Des interviews ont aussi été réalisées avec 25 contributrices et contributeurs, issu·es des milieux associatif, humanitaire, communautaire, académique et culturel. 

Pourquoi choisir l’immigration irrégulière ? 

L’étude révèle un ensemble de facteurs interconnectés, dont :

  1. La « Harga », mot qui provient de l’arabe évoque l’émigration irrégulière et celles et ceux qui tentent la traversée vers l’Europe sur des embarcations de fortune. Le phénomène s’inscrit de manière croissante dans l’imaginaire collectif de la jeunesse tunisienne. Il est renforcé par des récits de réussite et l'influence des réseaux sociaux mais également le narratif véhiculé par les réseaux de passeurs.

La » harga », souvent perçue comme un acte destructeur, est en réalité une quête de réactivation du sentiment de contrôle sur la vie. Bien que le risque de mort soit élevé, certain·es minimisent ces dangers, les percevant comme un coût nécessaire pour se construire un avenir dans un ailleurs imaginé et transcender le désespoir.

  1. Dans un contexte d'instabilité politique et de crise économique, les jeunes ressentent une désillusion profonde, particulièrement celles et ceux issu·es des régions rurales ou de quartiers défavorisés.

Le système éducatif perçu comme déconnecté du marché du travail et l’absence d’ascension sociale renforcent la perception d'une impasse structurelle. La migration apparaît comme la seule issue face à un avenir perçu comme sans perspectives.

  1. Les violences structurelles et intrafamiliales sont des moteurs essentiels de la migration irrégulière des jeunes tunisien·nes. Elles visent en particulier les jeunes filles, les mineur.e.s confronté·es précocement à des responsabilités économiques et les personnes les plus vulnérables au sein des communautés. 

Le manque de soutien et la marginalisation sociale, aggravés par les violences intra-familiales, entraînent chez les enfants et jeunes un profond sentiment de désaffiliation sociale, souvent accompagné de comportements autodestructeurs et la quête d'un renouveau ailleurs.

Inégalités multiples et interconnectées

Les principaux facteurs de vulnérabilité identifiés dans l’étude sont donc les inégalités socio-économiques, le chômage, la pauvreté, l'abandon scolaire, la discrimination, l'exclusion sociale, ainsi que les violences intrafamiliales et structurelles. Des facteurs qui jouent un rôle clé dans la décision des jeunes d'envisager l'immigration irrégulière, tout en affectant leur santé mentale. 

L’étude pointe par ailleurs, une série d’obstacles à l’accès aux services de santé mentale et de soutien psychosocial pour les enfants et jeunes tunisien·nes candidat·es à l'immigration irrégulière. 

Quelles pistes proposées ?

Plusieurs pistes sont suggérées dont des actions de plaidoyer auprès des autorités tunisiennes et parties prenantes, des activités de recherche mais également, des interventions telles que :

1. Des campagnes de sensibilisation ciblées sur la santé mentale adaptées aux enfants, aux jeunes et à leurs familles, en utilisant des canaux accessibles tels que les réseaux sociaux et les plateformes communautaires. 

3. Des formation des équipes de première ligne afin de renforcer leurs compétences dans l’identification des facteurs de vulnérabilité, de protection, et de détresse psychologique des enfants et jeunes candidat·es à l’immigration irrégulière. 

4. Une approche flexible et décentralisée des services de santé mentale en développant des équipes mobiles et des dispositifs d'écoute (individuels et groupaux) adaptés aux contextes locaux et aux réalités des jeunes en situation de vulnérabilité. 

5. La formation du personnel de santé sur la lutte contre la discrimination visant à promouvoir l'inclusivité et la non-discrimination, notamment envers les personnes en situation de vulnérabilité. Instaurer des dispositifs anonymes et sécurisés pour signaler les discriminations dans les institutions de santé, garantissant ainsi la protection des usagers et usagères des services de santé.

 

Présente en Tunisie depuis 2012, Médecins du Monde agit aux côtés des personnes en situation de vulnérabilité, en leur apportant une assistance médicale et psychosociale. Son intervention cible particulièrement les populations en situation de vulnérabilité confrontées à des conditions de grande précarité. À Tunis, l’organisation déploie un dispositif mobile- qui va à la rencontre des populations les plus isolées. En outre, des accompagnements sont proposées dans les dispositifs d’accueil et d’orientation à Tunis, Sfax, et Zarzis.

Dans ce cadre, Médecins du Monde met en œuvre, depuis avril 2024, le projet « Assurer la protection des enfants et jeunes en mouvement ».

 

Photo © Kristof Vadino

 

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