"Je consacre mes journées à contacter psychologues, associations d’aide, hôpitaux ou CPAS pour garantir que nos patient.es reçoivent l’aide nécessaire"
Joke Heylen, 26 ans, s'épanouit depuis quatre ans en tant qu'assistante sociale au centre d'accueil et de soins de Médecins du Monde d’Anvers.
Mon rôle consiste à réintégrer au système de soins ceux et celles qui font appel à Médecins du Monde. Mais ce n'est qu'un des aspects de ma mission. En tant qu'assistante sociale, je ne peux pas me cantonner aux dimensions médicales et psychologiques, au détriment du reste.
Nous œuvrons également dans les domaines du logement, de l’éducation, de l’hygiène et de l’alimentation, autant de facteurs qui influencent la santé de nos patient.es. J’apprécie profondément cette approche globale et holistique de Médecins du Monde, qui envisage la santé sous un angle élargi, au-delà du seul cadre médical. Dans ce contexte, je bénéficie d'une grande liberté : j'accompagne mes patients et patientes chez les avocats, au CPAS, ou vers des associations partenaires. Je prends le bus avec elles et eux pour l'hôpital ou pour le Commissariat Général aux Réfugiés.
Pour les personnes que notre société laisse en marge – sans-abri, sans mutuelle ou papiers – l'accès aux soins en Belgique peut ressembler à un bunker aux portes verrouillées. Mon travail consiste par ma persévérance, à ouvrir ces portes.
Récemment, une femme est venue avec la bouche déformée : notre médecin a immédiatement suspecté un AVC et l'a envoyée aux urgences. Cependant, sans assurance santé, adresse ou argent, il est probable qu'elle ne soit pas prise en charge. Dans ces cas, mes collègues et moi intervenons, appelons les urgences, les accompagnons, expliquant qu'il s'agit d'une personne sans couverture mais que nous la prenons sous notre aile. C'est notre quotidien. Je consacre mes journées à contacter psychologues, associations d’aide, hôpitaux ou CPAS pour garantir que nos patient.es reçoivent l’aide nécessaire.
Chaque jour, je constate comment nos patient.es, malgré toutes les épreuves, trouvent le courage de persévérer et de s’intégrer à notre société. Leur motivation est pour moi un exemple et m'incite à continuer et à me battre
Heureusement, beaucoup de médecins et spécialistes de la région d'Anvers sont prêt.es à aider nos patients et patientes. Un neurologue, par exemple, vient chaque mois réaliser des IRM. Depuis des années, nous pouvons compter sur le soutien des Sœurs Hospitalières d’Anvers (Fonds de Soutien GVA). Et lors de nos appels, nous notons l’émergence de nouveaux.elles volontaires dans la région.
Actuellement, je rencontre beaucoup de jeunes hommes en provenance de Gaza. Ces jeunes sont marqués par des traumatismes psychologiques dus à la violence extrême qu'ils ont fuie, à la perte de leurs proches et à leur éprouvant parcours migratoire. Ils ont besoin d’une aide urgente. Pourtant, trouver un suivi psychologique adéquat s’avère extrêmement difficile.
Beaucoup de psychologues n’ont plus de place ou hésitent à s'impliquer, à cause de barrières culturelles et linguistiques, mais aussi en raison de la complexité des démarches avec Fedasil et le CPAS pour les remboursements. Bien que cela puisse paraître bureaucratique, cela signifie que nous ne pouvons offrir qu’un soin rudimentaire à court terme, se bornant à panser leurs plaies. Ici, nous avons quelques psychologues bénévoles, mais qui sont également débordé.es. Notre rôle d’assistante sociale est donc crucial : je ne peux peut-être pas initier un suivi psychologique à long terme immédiatement, mais je peux les guider vers le Commissariat Général pour les Réfugiés, les aider avec leurs documents légaux, chercher un hébergement, veiller à ce qu'ils voient un médecin et accèdent à de la nourriture. Leur rendre la dignité d’être considérés comme des êtres humains.
Un durcissement de la société
Le fait que notre pays expédie sans ménagement des hommes seuls, venus d'Afghanistan ou de Gaza, vivre dans la rue depuis des années, reflète un durcissement de la société. Le nouveau gouvernement fédéral ne va probablement pas améliorer les choses. Nous redoutons que la vie s’aggrave pour les personnes sans-papiers, réfugiées et les immigré.es. Mais ce durcissement touche aussi les "Belges ordinaires" : nous anticipons pour les années à venir un afflux accru de nouveaux.elles bénéficiaires de l’aide sociale, des personnes qui, bien qu’ayant une mutuelle, ne peuvent pas payer le ticket modérateur, les factures d'hôpital ou les médicaments. Nous organisons déjà des réunions pour anticiper cette situation.
Notre approche est parfois jugée avec condescendance : « Les voilà encore avec leurs ‘droits de l'homme’ ». Mais réduire les gens à une étiquette et un poids, cela nous fait glisser vers une société qui estime acceptable, voire juste, que certain.es n’aient pas droit à une aide médicale. Nous tentons de dépasser cette vision, en offrant notre aide, mais aussi en témoignant des injustices que nous constatons. C’est essentiel pour moi : chez Médecins du Monde, nous sommes encouragé.es à plaider, à parler des inégalités observées au quotidien. Nous faisons partie d’une histoire plus vaste. C’est une fierté pour moi.
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Photos © Olivier Papegnies

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