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Journée mondiale de la santé mentale : » Les personnes réfugiées arrivent souvent en bonne santé, mais développent des problèmes mentaux à cause de la politique d'accueil belge. «

Entre mi-juin 2023 et mi-juin 2024, le nombre de personnes sur la liste d'attente de Fedasil a doublé, passant de 2.114 à 4.097 personnes. En pratique, cela signifie que des milliers de demandeur·euses d'asile sont envoyé·es à la rue, parfois pendant neuf mois. Sans accès aux soins physiques et mentaux, ils et elles se tournent vers Médecins du Monde. Aujourd'hui, à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, Nele Roppe, référente Santé Mentale chez Médecins du Monde, décrit l'impact dévastateur de cette mauvaise gestion sur la santé mentale des personnes fuyant la guerre et les conflits.

Médecins du Monde : Nele, vous êtes référente Santé Mentale chez Médecins du Monde et vous êtes souvent confrontée à l'impact de la migration sur la santé mentale. Depuis plus de deux ans, l'État belge dénie à des milliers de personnes leur droit à une protection internationale. Au lieu de trouver refuge chez Fedasil, elles se retrouvent à la rue, dans des squats ou dans les centres d'hébergement pour personnes sans-abri. Quel impact ce accueil défaillant en Belgique a-t-il sur la santé mentale des demandeur·euses de protection internationale ?

Nele Roppe : Nous constatons que les personnes fuyant des zones en conflit comme l'Érythrée, le Yémen, l'Afghanistan ou la Palestine arrivent ici et sont immédiatement rejettées à la rue, parfois pendant des mois. La plupart arrivent ici en relativement bonne santé, malgré les horreurs qu'elles ont endurées. Leur résilience est remarquable. Mais dès qu'elles arrivent en Belgique, elles sont confrontées à des problèmes tels que la recherche d'un endroit pour dormir, des barrières administratives, des problèmes linguistiques, la discrimination et le manque d'assistance juridique. Cela déclenche souvent des problèmes mentaux ou aggrave ceux existants.

Médecins du Monde : Comment cela se traduit-il sur leur santé mentale ?

Nele Roppe : Différentes études et chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent que les personnes réfugiées et les migrantes ont beaucoup plus de chances de souffrir de problèmes mentaux. Par exemple, la dépression peut toucher jusqu'à 44 % de cette population, alors qu'elle est d'environ 12 % dans la population générale. La guerre, la perte de proches et la violence les ont déjà durement touchées avant leur départ. Les routes migratoires dangereuses, la solitude et la violence en cours de route, et les conditions déplorables en Belgique renforcent leur détresse mentale.

Médecins du Monde : Vous avez déjà mentionné l'accueil. Quels sont les principaux points de blocage à cet égard ?

Nele Roppe : Le gouvernement fédéral est responsable de l'accueil et des soins de santé des demandeur·euses de protection internationale (DPI), mais dans la pratique, seuls les problèmes de santé mentale les plus extrêmes permettent d'accéder à un lieu d'accueil. Cela signifie que les personnes qui ne représentent pas immédiatement un danger pour elles-mêmes ou pour les autres — pensez aux personnes souffrant de dépressions sévères qui parviennent à peine à se maintenir à flot, mais qui sont complètement isolées — se retrouvent souvent à la rue ou doivent survivre dans des squats ou des centres d'hébergement temporaires. Cela aggrave leurs problèmes mentaux.

Nele Roppe : Dans nos projets, nous observons donc une demande croissante de soutien psychologique et psychiatrique pour les personnes en procédure d'asile. L'offre de soins classique est insuffisante et surchargée. Souvent, nous devons orienter ces personnes vers les services d'urgence car elles se retrouvent en situation de crise à cause d'un accès retardé aux soins. Mais là aussi, nous rencontrons des obstacles : les prestataires de soins en santé mentale ne sont souvent pas assez formé.es à une approche culturellement sensible, et l'accès aux interprètes et médiateur.trices interculturel.les est trop limité.

Médecins du Monde : Que fait Médecins du Monde dans ces situations ?

Nele Roppe : En théorie, nous nous concentrons principalement sur les personnes n'ayant pas accès aux soins classiques. Mais ces dernières années, nous constatons que de plus en plus de personnes, passant par Fedasil, ne reçoivent pas les soins dont elles ont besoin et se tournent vers nous. Nous les rencontrons dans tous nos projets en Belgique. L'un d'entre eux est le hub humanitaire, un lieu où nous offrons une aide élargie aux demandeur·euses d'asile abandonné·es, en collaboration avec d'autres organisations, et où Médecins du Monde est responsable de l'offre de soins médicaux et mentaux. Mais aussi dans nos autres projets, comme nos centres de soins permanents, nos équipes dans les centres pour personnes sans-abri ou notre Médibus, nous intégrons des actions autour de l'accompagnement mental.

Médecins du Monde : Y a-t-il certaines nationalités que vous rencontrez plus souvent parmi celles qui nécessitent une aide psychologique ?

Nele Roppe : Dans notre travail, nous voyons surtout des personnes originaires de zones de conflit comme l'Érythrée, le Yémen, la Palestine et le Soudan. Mais il est important de souligner que, quelle que soit la nationalité, le facteur commun est le lourd tribut mental que la migration et l'incertitude engendrent. Les diagnostics les plus fréquents sont la dépression et les troubles anxieux, mais le trouble de stress post-traumatique est également courant. De plus, nous observons aussi beaucoup de problèmes de sommeil et de stress.

Médecins du Monde : Que faut-il changer, selon Médecins du Monde, dans la future législature pour améliorer les soins mentaux des demandeur·euses d'asile ?

Nele Roppe : Tout d'abord, le nombre de places d'accueil doit augmenter considérablement : avoir un lieu de sommeil sûr est une condition sine qua non pour maintenir une bonne santé mentale. Les gens ne devraient pas vivre dans la rue pendant des mois en attendant leur procédure d'asile. Nous devons également nous assurer que les centres d'accueil sont mieux organisés et qu'il y a suffisamment de personnel qualifié pour répondre aux besoins de santé mentale de ce groupe. Enfin, nous devons supprimer les obstacles à l'accès aux soins, afin que toute personne dans le besoin puisse obtenir une aide rapide et efficace.

Médecins du Monde : Merci, Nele, pour ces explications claires. Avez-vous un dernier message pour nos lecteur·rices ?

Nele Roppe : N'oublions pas que la santé mentale est un droit fondamental, pas un privilège. Tout le monde a droit à des soins, quelle que soit sa situation ou son origine. Il est temps de concrétiser cette réalité et de faire preuve de solidarité avec les plus vulnérables de notre société.

 


 

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