Le Travail Social au cœur de Médecins du Monde
ARTICLE D'OPINION PAR DIDIER BOOST
Didier Boost est professeur invité dans le cadre du Master en Travail Social à l'Université d’Anvers et chercheur postdoctoral à l'Université d'Amsterdam. Dans sa thèse de doctorat intitulée « (Re)Claiming Human Rights: A Critical Realist Exploration of Rights-Based Social Work » ( Réappropriation des droits humains : une exploration critique et réaliste du travail social ancré dans les droits ), il a mené des recherches en étroite collaboration avec le Centre d'Accueil, de Soins et d'Orientation de Médecins du Monde à Anvers.
« Sans ces personnes, je serais mort aujourd'hui. » Ces mots poignants ont été prononcés lors de mon tout premier entretien en tant que chercheur avec des patient.es de Médecins du Monde. Cette conversation était chargée d'émotion. La personne m'a raconté son parcours migratoire et comment sa vie s'était transformée en une lutte pour la survie. « Sans ces personnes, je serais mort aujourd'hui. » L'écho de cette déclaration me hante encore. Non seulement à cause de la gravité de ces mots, mais surtout en raison de la sérénité avec laquelle ils ont été prononcés. Comme si c'était normal que les droits humains soient ainsi bafoués. Ce qui m'a le plus surpris, c'est que ces mots ne faisaient pas référence à des médecins ou des infirmier.ères. Pour cet homme, il s’agissait des travailleurs et travailleuses sociaux.ales qui l'avaient sauvé d'une mort imminente, en revendiquant avec lui le droit à des soins spécialisés dans le système de soins régulier.
Le 18 mars, c’était la Journée mondiale du travail social. L'occasion idéale de suivre la suggestion de certains patient.es et de ne plus parler uniquement de Médecins, mais aussi de Travailleur.euses sociaux.ales du Monde. Au sein de Médecins du Monde Belgique, il y a actuellement 11 travailleur.euses sociaux.ales, répartis entre le Hub Humanitaire et les Centres d'Accueil, de Soins et d'Orientation d’ Anvers et de Bruxelles. A travers ce texte, je souhaite souligner l'importance cruciale de leur travail pour réaliser l'objectif tripartite de Médecins du Monde : soigner, témoigner et changer la société.
Accès
L'accès aux soins est une condition essentielle pour mener une vie digne. Bien que ce droit humain fondamental nous soit théoriquement accordé à tous et toutes, la réalité quotidienne raconte une autre histoire. Chacun.e n’accède pas aux soins de santé en passant par les mêmes portes, dont différents ‘gardiens’ détiennent les clés. Cela signifie que de nombreuses personnes vulnérables glissent à travers les mailles du filet de soins.
Le travail social joue un rôle indéniable pour transformer ce droit théorique en un droit réel. Non pas en soignant les gens eux-mêmes, mais en ouvrant avec eux ces portes d'entrée et en interpellant les gardiens. Les travailleur.eses sociaux.ales s'appuient sur leur expertise du système de soins public, des procédures et du droit (migratoire). Ainsi, ils et elles sont des figures centrales dans les équipes interdisciplinaires de Médecins du Monde, connaissant connaissent mieux que quiconque les conditions et créent des opportunités. Mais aussi explorant toutes les pistes pour obtenir le droit aux soins dans le système régulier.
Là où d'autres soignent, les travailleur.euses sociaux.ales accompagnent activement les personnes vers un changement durable.
Les travailleur.euses sociaux.ales guérissent l'injustice sociale en réduisant les droits humains à leur noyau absolu de solidarité humaine
Droit à l'existence
Les histoires que j'ai entendues avaient toutes un point commun. Lorsque les droits humains ne sont pas respectés, la déshumanisation menace. De la criminalisation des personnes à des situations d'exploitation, de maltraitance et de déchéance. « Nous ne sommes quand même pas des sous-hommes. Nous ne sommes quand même pas des animaux ? Pourquoi doivent-ils nous traiter ainsi ? » C'est ce que se demandaient à juste titre les patient.es avec qui j'ai parlé.
Au fil de nos conversations, il est devenu clair que le travail social avait pour ces personnes une signification plus large que de simplement essayer d'obtenir l'accès aux soins. Les travailleur.euses sociaux.ales expriment leur droit à l'existence. En créant un espace pour la rencontre interhumaine et en les voyant, les écoutant et les traitant comme des semblables. Cette humanisation se manifestait souvent dans de petits gestes quotidiens et informels comme un sourire ou un contact, le partage de la tristesse et de la joie, mais aussi en montrant un intérêt authentique pour leur passé, leur présent et leur avenir. Cette proximité et cet engagement font – selon les mots des patient.es – qu'« un être humain peut redevenir humain ».
Les travailleur.euses sociaux.ales guérissent en d'autres termes l'injustice sociale en réduisant les droits humains à leur noyau absolu de solidarité humaine.
Élargir
Les personnes qui frappent à la porte de Médecins du Monde se trouvent généralement dans une situation d'incertitude existentielle. Les travailleur.euses sociaux.ales agissent à partir de cet espace incertain pour soutenir les revendications de citoyenneté des personnes. Aussi bien de façon formelle qu’informelle. Cela signifie qu'ils et elles informent les gens, mais les assistent également concernant leur statut de séjour et leur quête pour échapper à la salle d'attente de notre société. De plus, ils et elles identifient également comment, même dans les situations les plus précaires, on peut agir en tant que concitoyen.ne. Par exemple, en soutenant des parents dans la communication avec l'école de leurs enfants, en participant ensemble à des activités socio-culturelles ou en les accompagnant vers des occupations journalières significatives, des abris d'urgence et une aide matérielle.
Les travailleurs et travailleuses sociaux.ales veillent à ce que la santé ne soit pas abordée uniquement d'un point de vue médical et qu'une attention soit portée aux déterminants sociaux.
Changer
Pour certains groupes de la société, les soins de santé risquent de glisser d'un droit humain fondamental à une faveur humanitaire. Le danger réside dans le fait que des organisations comme Médecins du Monde soient considérées comme une partie évidente ou nécessairement permanente du tissu social. Les travailleur.euses sociaux.ales sont impliqué.es dans la défense et la mise en place d'un contre-mouvement qui veut ramener les soins de santé de la faveur au droit. Cette partie de leur pratique prend différentes formes d'expression, telles que la mise en lumière de témoignages vécus, le dialogue avec les décideurs et décideuses politiques, mais aussi la procédure stratégique et l'assistance des personnes jusqu'au tribunal.
Le travail social, qui met l’accent sur les droits humains, ne se contente donc pas de contribuer à l’obtention de droits individuels. Au sein de Médecins du Monde, il est allié crucial dans la quête et la lutte pour un changement structurel.
Portraits
de plusieurs travailleur.euses sociaux.ales chez Médecins du Monde
Alexandra - Helena - Joke - Martin
Photos © Olivier Papegnies

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