Témoignage d'une jeune réfugiée vivant dans un camp au Bangladesh
Une jeune Rohingya nous parle de son avenir incertain. Elle vit dans un camp de réfugié.e.s depuis plus de 2 ans, elle ne sort pas en public et c'est la première fois qu'elle a l'occasion de briser le silence…
Nous, Rohingyas, sommes un groupe ethnique minoritaire qui vivons dans l'État de Rakhine, au Myanmar depuis de nombreuses années. Le Gouvernement du Myanmar n’a de cesse de nier nos droits et nous persécute continuellement. Suite au conflit armé massif qui a eu lieu le 25 août 2017, j'ai quitté mon pays pour demander asile au Bangladesh. Cela désormais fait trois ans, et les personnes vivent toujours dans des conditions difficiles et dans un camp surpeuplé.
Je suis arrivée au Bangladesh avec six membres de ma famille. Nous venons d'un village situé dans le canton de Buthidaung au Myanmar. Nous vivons à l'étroit dans une petite cabane qui n'a même pas de coin où dormir.
Ma journée commence à 5 heures du matin, par de l'exercice physique durant 20 minutes. Après cela, nous faisons la première prière de la journée. Ensuite, j'aide ma mère à préparer le petit-déjeuner. À 9h20, je me dirige vers le travail (travail bénévole). Je rentre chez moi à 16h et j’étudie le soir.
Si vous êtes né humain.e, vous avez besoin d'éducation
Quand j'étais au Myanmar, j'étais étudiante et je fréquentais le lycée. J'ai été forcée de quitter mon pays à cause de la violence qui y régnait, et je n'ai pas pu terminer la 9e année, ni obtenir un diplôme.
Au Myanmar, les Rohingyas et les Musulman.e.s ne sont pas autorisé.e.s à poursuivre des études supérieures. De plus, beaucoup d'autres choses y sont également restreintes. Par exemple, nous n'avions pas la liberté de mouvement.
Les camps ont des terrains de jeux et des centres d'apprentissage pour enfants gérés par des groupes de soutien, mais ces installations ne conviennent pas à notre âge. Tout comme moi, de nombreux et nombreuses Rohingyas passent près de trois ans dans un camp, sans accès à l’éducation.
Je suis encore jeune et célibataire. Cependant, je n’ai pas accès à l’éducation, en particulier à l'enseignement supérieur, même dans le camp. Ici aussi, nous sommes confronté.e.s à un nombre incalculable de défis, luttant pour l'éducation et pour nos droits.
La vie des réfugié.e.s continue dans le camp
Quand il fait chaud, il fait vraiment très chaud. Il fait alors trop chaud pour rester dans la cabane. Et s'il pleut, nous nous sommes confronté.e.s à des inondations, des vents forts et des glissements de terrain.
Depuis mai 2019, je travaille comme bénévole pour Médecins du Monde. Mon rôle est de m'engager dans des activités de sensibilisation et de faire le tour des endroits désignés. Atteindre tous les endroits désignés est difficile, mais c'est une tâche qui donne un sens à la mission, un but. Je ne déteste pas ma mission, mais à la fin de la journée, quand je suis épuisée, je dois retourner dans un abri vide, où même se reposer est difficile.
Je suis réfugiée et je vis dans un camp de réfugié.e.s. Parfois, il m’est difficile de me souvenir des rêves que j’avais quand j'étais enfant.
En tant qu'éducatrice bénévole pour Médecins du Monde, je reçois une formation et une éducation sur divers sujets liés à la santé et à la communauté tels que la violence basée sur le genre, la santé sexuelle et reproductive, la santé mentale, la nutrition, le planning familial, la santé maternelle et infantile, la diarrhée et la déshydratation, l’eau salubre, l’hygiène, les infections sexuelles, le VIH, les infections respiratoires aiguës, le paludisme et la dengue, l’éducation sanitaire, les premiers soins et bien plus encore. Je suis très reconnaissante d'avoir cette opportunité d'apprendre.
Le PAM (Programme alimentaire mondial) distribue du riz, des haricots verts et de l'huile de cuisson, mais ce n'est pas suffisant. De nombreux réfugiés et nombreuses réfugiées sont incapables de sortir et de travailler, et battent donc pour leur survie.
J'ai toujours peur
Les toilettes sont loin de notre cabane et l’insécurité est présente dans le camp. Plusieurs femmes ont été enlevées et n'ont, à ce jour, pas encore été retrouvées.
La violence et la tragédie qui ont eu lieu le 25 août 2017 ont laissé une profonde cicatrice dans nos cœurs. Je ne sais toujours pas vraiment ce qui m'arrive. Nous pouvons voir des dommages physiques, mais la douleur et le désespoir que nous avons ressentis dans nos cœurs sont invisibles à l'œil nu. Beaucoup de femmes et de filles ont été violées. De nombreux voisins, enfants et proches ont été tués par l'armée. Notre village a été incendié et la plupart des bâtiments ont été détruits. Mon frère, mon grand-père et mon cousin sont morts dans une fusillade. La maison dans laquelle j'habitais a également été incendiée par l'armée et le peuple Rakhine. Conscient.e.s que pour notre sécurité nous devions quitter le pays, nous avons emballé quelques vivres et avons commencé à marcher vers le Bangladesh. Dix jours après notre départ, nous avons fini toute la nourriture que nous avions apportée. En chemin, il a beaucoup plu et j'avais faim ... J'ai vu beaucoup de cadavres dans la forêt. Après 21 jours, j'ai finalement atteint la rive de la rivière Naf et l'ai traversée à l'aide d'un canot.
Nous sommes arrivé.e.s aux frontières du Bangladesh mais nous n'avons pas été autorisé.e.s à entrer dans le pays. Nous n'avions plus rien : pas de nourriture, pas de vêtements, pas d'argent. Des Bangladais nous ont offert de la nourriture et des vêtements. J’ai pu recevoir un traitement à l'hôpital. Je n’ai pas de mots assez forts pour exprimer ma gratitude envers le Gouvernement et le peuple du Bangladesh.
Après tout ce chemin, je suis restée à la frontière pendant près d'un mois. Ensuite, je suis arrivée dans le camp dans lequel je suis maintenant.
Encore une fois enfermé.e.s dans une prison mais, cette fois, sans toit
Il y a une multitude de problèmes dans les camps : l'absence d'éducation, le manque d'accès à Internet, les restrictions de voyage, les lieux de vie exigus et les installations médicales insuffisantes. De plus, des clôtures ont été installées autour du camp, tout comme au Myanmar.
Nous avons besoin du soutien d’ONGs telles que Médecins du Monde et Pulse. Nous espérons une amélioration de la situation, l’accès à l’enseignement, la suppression des restrictions de mouvement, l’amélioration des conditions de vie et d'accès aux soins, et que les gens puissent vivre en toute tranquillité.
Désormais je veux penser à l'avenir
Mes activités avec Médecins du Monde et Pulse sont utiles pour la communauté, et je voudrais que ces associations continuent leurs activités, et que je puisse continuer de m’y impliquer.
Nous, Rohingyas, voulons que justice soit faite. Nous voulons retrouver notre citoyenneté et retourner au Myanmar.
Je ne veux pas vivre en tant que réfugiée sans aucune garantie de vie.
Je veux poursuivre mes études et devenir médecin.
En tant que jeune femme, je suis très heureuse et reconnaissante d'avoir pu jouer un rôle.
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