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Le centre d’hébergement médicalisé d'Anvers : un refuge pour les personnes sans-abri malades et affaiblies

Texte et photos : Marie Monsieur

Le centre d’hébergement médicalisé d’Anvers a vu le jour en pleine pandémie du COVID-19. Une nouvelle structure, unique en Belgique, s’est ouverte en Flandre. Les personnes sans-abri souffrantes peuvent y être hébergées, se reposer, se rétablir et bénéficier de soins pendant une période plus ou moins longue et ce 24 sur 24h, 7 jours sur 7. Le centre compte aujourd’hui 24 chambres et autant de résident.e.s. Nous avons passé une journée avec l’équipe et les résident.e.s du centre dans le quartier du Seefhoek.  

 

Une approche globale

Evelien Stragier, cheffe de projet, a plusieurs années d’expérience dans le secteur et a également dirigé des centres d’accueil à Gand avant de rejoindre Médecins du Monde : « Travailler avec des personnes sans-abri n'est pas toujours évident. La vie dans la rue est impitoyable. On vieillit plus vite, on tombe facilement malade ou on souffre de maux psychologiques. En plus de ne pas avoir de toit au-dessus de sa tête, on risque constamment de se faire agresser. Et on se  heurte en permanence à des obstacles qui semblent insurmontables.

Nos résident.e.s découvrent ici un univers tout à fait différent : nous avons des règles strictes pour créer un lieu de vie où la régularité des horaires et le calme priment. Les nouveaux et nouvelles résident.·e.s doivent souvent s’y habituer en arrivant, mais cet endroit finit par leur plaire. Les premiers jours sont souvent très difficiles. Il arrive qu'une personne ne se présente pas à un rendez-vous médical important. D’autres quittent tout simplement notre centre. Soit vous vous énervez, soit vous essayez de vous mettre à leur place pour voir les choses de leur point de vue : chez les personnes sans-abri, le lien avec la réalité, avec soi-même, l’autre ou encore le temps est souvent altéré. Ces personnes sont en permanence en mode survie ; elles vivent au jour le jour. Penser à l'avenir est un luxe qu'elles n’ont pas. Elles sont souvent totalement isolées, sans adresse où recevoir des documents importants et les problèmes s’accumulent rapidement. Elles ne sont pas toujours en ordre auprès de leur mutualité et souffrent souvent d’une forme ou l’autre d’assuétude.

Cette accumulation de frustrations fait que les personnes sans-abri communiquent presque toujours d’une manière qui n'est pas toujours bienvenue dans notre société. Nous essayons donc de nouer un dialogue avec elles et recherchons avec elles des solutions. Nous abordons les questions médicales, nous nous assurons qu’elles bénéficient d'une garantie de prise en charge par le CPAS et qu’elles aient un généraliste. Nous examinons ensemble leurs droits et les aidons à établir des contacts. »

Ces personnes sont en permanence en mode survie ; elles vivent au jour le jour. Penser à l'avenir est un luxe qu'elles n’ont pas.

À la recherche d'une vie meilleure

Hichem (33 ans) a quitté la Tunisie pour la Belgique en 2018, avec l’espoir d’une vie meilleure.

« Je savais dès le départ que cette traversée était extrêmement risquée. Nous avons quitté les côtes en zodiac ; nous étions dix hommes à bord de l’embarcation, prêts à risquer notre vie pour rejoindre l’Europe. Ma vie ne rimait de toute façon à rien en Tunisie : je ne trouvais pas de travail, je mangeais à peine à ma faim et mon avenir était bloqué. Au large des côtes italiennes, il y a eu tout à coup un problème : le bateau s’est mis à prendre l’eau. Heureusement, j'ai pu appeler les garde-côtes qui sont venus à notre secours. De l'Italie, je me suis rendu à Liège, où j'ai des amis. J'ai réussi à trouver des jobs de plongeur dans plusieurs restaurants. Pendant un moment, j’ai eu l’impression que tout était en train de s’arranger. Jusqu'à ce qu’un automobiliste me roule dessus à deux reprises alors que je rentrais du travail. Le  type qui voulait se venger s’est trompé et m’a pris malheureusement pour quelqu’un d’autre. J'ai été transporté d'urgence à l'hôpital, où sept médecins m'ont opéré pendant des heures. Selon eux, mes chances de survie ne dépassaient pas trois pour cent. J'ai été placé dans le coma artificiel pendant un mois et demi et je suis resté hospitalisé pendant une année entière. Ma vie ne sera plus jamais la même : j'ai perdu une jambe et l'autre a été broyée, j'ai une énorme cicatrice sur l'épaule et des plaies à la tête, et je vis maintenant avec une poche à stomie. »

Hichem

« Ma situation semblait totalement désespérée, jusqu'à ce qu'un ami me mette en contact avec Médecins du Monde à Anvers. C'est ainsi que j'ai atterri dans leur centre d’hébergement médicalisé. Deux ans après, je leur suis toujours immensément reconnaissant. Je dors ici, je reçois mes médicaments et à manger, et le personnel infirmier m’aide à faire ma toilette et pour les soins. Pourtant, il m'arrive de me sentir terriblement seul et comme sur une voie sans issue : comment vais-je pouvoir retravailler un jour ? Je rêve d’obtenir la nationalité belge. D’après les médecins, il n’est pas exclu que je puisse un jour remarcher avec une prothèse si l'état de mon autre jambe s'améliore. Tout espoir n’est donc pas forcément perdu. »

C’est la vie

Au mois de mars, Jean (67 ans) s'est retrouvé à la rue parce qu'il ne pouvait plus payer le loyer de son appartement. Pendant un certain temps, il a dormi sur une chaise dans la petite annexe d’une église. Jusqu'à ce qu’il atterrisse dans le centre d’hébergement médicalisé d’Anvers, après que le sort s’est à nouveau acharné sur lui.

Jean

« Je vivais dans un petit appartement du CPAS, mais je n’arrivais même plus à payer ce modeste loyer avec ma toute petite pension. Je me suis retrouvé à la rue du jour du lendemain, je n’ai pu emporter qu’un seul tableau. Certains trouveront sans doute ce choix étrange, mais c’était pour moi une nécessité : j’ai consacré toute ma vie à la restauration d’œuvres d'art. Je n'étais pas en colère, c’est la vie. J’ai d’abord été hébergé par des amis mais cette situation n’était pas tenable. C’était très petit chez eux, et je n’avais même pas de lit pour dormir. Je me suis résolu à demander de l’aide auprès de l'église où j’officie comme sacristain depuis plus de 40 ans. J’ai pu ainsi occuper une petite dépendance de l’église, où je dormais sur une chaise. Jusqu'à ce que je tombe sur le dos le jour du Vendredi saint. Contre mon gré, on m’a alors amené au centre d’hébergement médicalisé. J’ai des crises de goutte et je marche avec une canne depuis l'âge de 16 ans. J'ai donc l'habitude de souffrir et je ne voulais pas de soins. Mais ne vous méprenez pas, je suis très bien pris en charge ici : j'ai un lit, je reçois à manger et des médicaments et on m’a fait tous les examens possibles à l’hôpital. Mais si j'avais le choix, je ne serais pas ici. Je me sens un peu comme dans une prison, je ne peux pas aller où je veux et je dois suivre un tas de règles. Rien ne vaut la liberté, et la liberté c’est quelque chose qui me manque ici. Heureusement, je reçois un sacré coup de main pour les formalités administratives. Je suis vraiment impatient d’être de nouveau sur pied et de pouvoir à nouveau me débrouiller seul. »  

Tout le monde y gagne

Koen D'Halleweyn travaille comme médecin bénévole au centre d’hébergement médicalisé de Médecins du Monde à Anvers. Il participe aux concertations pluridisciplinaires et y émet des avis. Il forme également le staff permanent afin de faire face aux problèmes médicaux les plus courants. Il tient également des consultations au centre d’accueil, d’orientation et de soins (CASO) de Médecins du Monde à Anvers.

« En tant que généraliste, j’ai toujours attaché beaucoup d’importance à la composante sociale. Le CPAS savait qu'on pouvait m’envoyer des personnes réfugiées et que je les aiderais. J’ai aussi travaillé à deux reprises comme médecin dans un centre d’accueil. Il y a deux ans, lorsque j'ai pris ma retraite, j’ai voulu continuer à travailler. J’aurais trouvé dommage de balancer à la poubelle mes quarante années d’expertise ; au contraire, je voulais que cette expérience puisse profiter à d’autres personnes. Dans le centre d'hébergement médicalisé, nous accueillons des personnes sans-abri et qui ont de surcroît des problèmes médicaux, comme un diabète sévère ou des crises d’épilepsie. Il y a aussi des personnes qui ont subi une intervention chirurgicale et qui ne peuvent pas retourner vivre à la rue. La règle est que nos résident.e.s passent ici quelques semaines ou quelques mois, le temps d’être suffisamment rétabli.e.s pour reprendre le cours de leur vie. Mes avis portent surtout sur les cas difficiles, des personnes qui ont des problèmes de santé mentale en plus de leurs problèmes physiques. Les personnes sans-abri ont tendance à se négliger, elles refusent souvent une aide appropriée. Je m'appuie sur mes années d'expérience pour tenter d’expliquer comment inciter ces personnes à reprendre leur vie en main. Cela fait du bien de voir à quel point ma contribution est appréciée et les gens reconnaissants. »

Koen D’Halleweyn

« Avec ce travail de bénévolat, je pense que tout le monde est gagnant : je ne me sentais pas du tout prêt à ne rien faire de concret de mes journées, cela me fait un bien fou de pouvoir encore être utile. Je me rends également compte que la vie m’a offert des opportunités incroyables ; voilà pourquoi j’ai envie de rendre à la société une partie de ce qu’elle m’a donné. Il est clair que mon sens des responsabilités continue à s’amplifier. Pour moi c’est une évidence de ne laisser personne sur la touche ; chaque membre de notre société a le droit d’être aidé. » 

Le centre d’hébergement médicalisé d'Anvers en bref 

  • 24 lits  

  • 104 admissions en 2022 

  • 82 ans : l'âge du résident le plus âgé 

 

Comment ?

Les personnes sans-abri nous sont référées par l'intermédiaire de nos partenaires (l'équipe de soins du CAW, le CPAS, le service social de l'hôpital, la Free Clinic, etc.).

 

Qui ?

Soins de revalidation après un séjour à l’hôpital, pathologie grave comme un cancer ou une maladie neurologique, traitement médicamenteux nécessitant un suivi strict : les personnes sans-abri accueillies dans notre centre d’hébergement médicalisé présentent des besoins de santé très divers mais ont un point commun : une fragilité difficilement compatible avec la vie dans la rue ou un hébergement dans un centre d’accueil « classique » pour sans-abri.  

  

De quoi s’agit-il ? 

Notre centre est là pour héberger les personnes sans-abri pendant une courte ou une (plus) longue période. En 2022, nous avons constaté que les courts séjours étaient surtout motivés par une maladie infectieuse, comme une grippe ou le COVID-19, nécessitant un isolement. Les personnes qui sont restées plus longtemps chez nous nécessitaient une prise en charge médicale et psychiatrique complexe. A la fin, nous essayons d’orienter nos résident.es vers un centre d'accueil temporaire ou une solution d’hébergement plus durable. 

 

 


 

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