URGENCE À GAZA
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Belgique
Personnes en marge de la société
Terminus à OSTENDE
Dans la ville balnéaire d’Ostende, une personne sur quatre vit dans la pauvreté. L’antenne de soins de Médecins du Monde et le centre d’accueil du CAW (Centrum Algemeen Welzijnswerk) viennent en aide aux personnes vulnérables. Parmi celles-ci, des Ostendais.es vivant dans la pauvreté, des personnes sans-abri, des réfugié.e.s et des migrant.e.s en transit.
Tous les jeudis matins, une équipe bénévole de médecins et d’infirmier.e.s se tient prête à accueillir et à venir en aide aux personnes qui n’ont pas les moyens de consulter un médecin et de se faire soigner. Dany (infirmier) et Johan (bénévole accompagnant au centre d’accueil CAW) expliquent : « À Ostende, une personne sur quatre est confrontée à la pauvreté. Comment expliquer une telle situation ? Cette ville est pour beaucoup l’ultime étape psychologique d’un parcours difficile ; il en a d’ailleurs toujours été ainsi. Ostende est une ville portuaire très particulière ; on le ressent très fort. Pour certain.e.s, cette agréable ville du littoral est surtout une ville anonyme et sans pitié.»
Des bénéficiaires de tous les horizons
« Dans cette ville, l’action du CAW et de Médecins du Monde se complètent parfaitement. Les personnes les plus vulnérables peuvent y bénéficier d’un accompagnement psychologique et social, recevoir des colis alimentaires et aussi se faire soigner (soins des plaies, piqures, suivi des maladies chroniques, transfert à l’hôpital Henri Serruys pour des interventions chirurgicales gratuites, etc.).
Ici, la crise du Coronavirus a eu un impact catastrophique. Nous avons dû fermer le centre d’accueil, un drame pour les personnes les plus vulnérables. Les bénéficiaires qui viennent frapper à notre porte ne sont pas seulement épuisé.e.s, malades et vulnérables ; elles et ils souffrent aussi très souvent d’une solitude extrême. Pendant la période de confinement, ces personnes ont été privées de ce lieu où elles pouvaient se rendre pour socialiser et bavarder, mais aussi reprendre des forces avec un petit café, des tartines et de la soupe. Une situation inhumaine. Heureusement, nous pouvons peu à peu reprendre nos activités. »
Geert, médecin bénévole, ajoute : « Cela fait maintenant deux ans que je travaille ici. Je suis de permanence une fois par mois au centre, qui est situé en plein cœur d’Ostende. Certaines personnes sans-abri viennent déjà depuis des années ici pour bénéficier d’un suivi. Il y a aussi les migrant.e.s qui transitent par Ostende et qu’on ne voit qu’une fois. Il est parfois difficile de travailler avec elles et eux, à cause la barrière de la langue. Chez les personnes sans-abri et réfugiées, nous observons souvent les mêmes problèmes, en lien avec le stress, les incertitudes inhérentes à leur vie et à leur avenir, des repas irréguliers ou une alimentation peu équilibrée, et bien sûr l’absence d’un endroit où dormir. Les gastrites et l’insomnie sont, chez elles et eux, les plaintes les plus fréquentes. Les migrant.e.s présentent quant à elles et eux souvent des blessures et des lésions – principalement des entorses de la cheville et des plaies ouvertes – qu’elles et ils se sont faites en sautant d’une certaine hauteur ou en restant accroché.e.s à des barbelés.
Tout se déroule bien ici, nous sommes bien organisé.e.s ; grâce à Médecins du Monde, les patient.e.s confronté.e.s à des difficultés financières bénéficient gratuitement de soins et de médicaments. Nous avons en revanche souvent beaucoup plus de mal à organiser leur prise en charge par un.e spécialiste ou un service spécialisé (ce qui est plus cher). Heureusement, nous pouvons de temps en temps nous arranger avec l’hôpital Henri Serruys. C’est triste de voir que le système de soins de santé belge soit aussi loin de fonctionner correctement pour tout le monde. Il suffit de voir le nombre de gens qui n’ont plus de mutuelle. Nos concitoyen.e.s ne s’en rendent souvent pas compte, mais dans notre pays, beaucoup de personnes restent encore sur la touche. »
Sur la route depuis plus de quatre ans déjà
Rafaël, un jeune homme soudanais, fait la file devant la salle de consultation. Cela fait plusieurs semaines qu’il n’a plus d’appétit et il a perdu beaucoup du poids. Geert, le médecin bénévole l’examine et constate qu’il souffre d’une gastrite. Rafaël repartira avec des médicaments, sans rien devoir payer.
C’est grâce à Rita, une femme qui héberge chez elle une dizaine de réfugié.e.s, que Rafaël a entendu parler de l’antenne de soins. Rita explique : " Avant, je me rendais tous les soirs sous le pont de l’autoroute de la Westkerkestraat à Oudenburg. J’apportais à manger et à boire aux réfugié.e.s qui dormaient là en attendant qu’un camion les conduise jusqu’en Angleterre. Pendant les mois d’hiver, je n’ai plus supporté de les voir comme ça. Tou.te.s ces réfugié.e.s et migrant.e.s en transit couché.e.s par terre, engourdi.e.s par le froid. Mon mari et moi avons donc décidé d’héberger dans notre maison dix réfugié.e.s ; elles et ils sont ici au calme, peuvent récupérer et reprendre des forces. Quand l’un.e d’entre elles et eux s’en va, une place se libère, et nous pouvons accueillir un.e autre réfugié.e. J’aimerais pouvoir aider bien plus de gens mais financièrement, c’est impossible. Nous avons atteint notre limite. Je ne reçois pas la moindre aide de la ville, la problématique des réfugié.e.s est un sujet politique sensible. Surtout en Flandre, où le racisme ne cesse de gagner du terrain."
Rafaël est en transit depuis 4,5 ans déjà. Il vient d’une « bonne famille » du Soudan et a un diplôme d’enseignant. La guerre et les affrontements incessants l’ont poussé à fuir le pays avec quelques amis. Destination Europe, via la Méditerranée, par bateau. Il a demandé l’asile en France dans l’espoir de pouvoir repartir de zéro mais il a été débouté. Il a donc décidé de rejoindre la Belgique, dernière halte avant le Royaume-Uni. La situation est vraiment dramatique pour les migrant.e.s en transit. Tous les soirs, ces réfugié.e.s essaient de grimper dans un camion de marchandises, prêt.e.s à tout dans l’espoir d’une vie meilleure. Ces tentatives peuvent se répéter pratiquement à l’infini, car la gardiennage est inhumain et impitoyable. Le racisme n’est en outre jamais bien loin du côté de la sécurité ; les gardes lâchent régulièrement les chiens sans muselière. La semaine dernière, Rafaël et deux amis ont décidé de se cacher dans la conduite d’une machine. Celle-ci a été fermée et ils ne pouvaient pratiquement plus respirer. Heureusement, il a pu appeler à temps ses amis qui étaient ici à la maison et nous avons pu les libérer. Le drame a été évité de justesse.
"Le soir, quand nous nous disons au revoir, ça ressemble toujours un peu à un adieu. J’essaie toutefois de ne pas trop y penser et je croise les doigts pour qu’elles et ils puissent partir le plus rapidement possible. En Angleterre, elles et ils obtiennent presque toujours le droit d’asile. Elles et ils reçoivent aussi un toit, à manger et à boire. Il y a également beaucoup de possibilités d’emploi. J’essaie de garder ma peine pour moi et je les encourage à demander d’abord l’asile ici. Je leur souhaite bon courage et j’essaie de leur arracher un sourire. Ça me désole tellement quand j’entends Rafaël parler de son pays : de l’incroyable saveur des tomates et des fruits et du sens de l’hospitalité, des proches et des amis. Il a le mal du pays, cela ne fait aucun doute."
La semaine dernière, Rafaël et deux amis ont décidé de se cacher dans la conduite d’une machine. Celle-ci a été fermée et ils ne pouvaient pratiquement plus respirer.
Echoué à Ostende
Cela fait déjà un moment que Mich vient se faire soigner gratuitement à la Sint-Sebastiaansstraat. Il souffre d’une tendinite calcifiante de l’épaule. Comme le traitement est resté jusqu’ici sans effet, Geert souhaite l’envoyer à l’hôpital pour une échographie.
‘J’ai échoué ici’, dit Mich en riant. « C’est ce qu’ils disent ici de celles et ceux qui partent s’installer à Ostende. J’ai des origines serbes mais je suis né en Belgique. J’ai vécu pendant des années à Anvers mais en 2014, j’ai décidé de m’installer dans cette ville de la côte. L’envie d’un nouveau départ. Je trouve qu’on reçoit plus facilement un coup de main à Ostende, les gens sont plus sympa ici que dans les grandes villes. Je me souviens très bien de mes premières semaines à Ostende. Je n’avais pas d’argent pour acheter à manger. Eh bien, j’ai eu la chance de pouvoir aller récupérer tous les soirs des invendus et des produits bientôt périmés au petit Spar du coin. C’est quelque chose de totalement impensable à Anvers.
Cela fait des semaines que mon épaule me fait souffrir, je n’ai plus d’assurance-maladie et pour l’instant, je n’ai pas les moyens de payer un médecin. Au début, j’ai eu du mal à venir ici pour me faire soigner gratuitement. J’avais honte, ça me mettait mal à l’aise de demander de l’aide. Mais comme j’étais vraiment dans la merde, je n’ai pas vraiment eu le choix. Ici, ils m’ont appris à accepter cette gêne. Le médecin m’a conseillé de faire une écho de l’épaule, mais je ne veux pas aller à l’hôpital. Je n’ai vraiment pas envie de me choper le Coronavirus en plus de tout. Je souffre aussi d’un manque de sommeil chronique, à cause de la douleur et du stress. Cela fait déjà plus de sept mois que je suis sans travail. L’épidémie de COVID-19 a fait beaucoup de dégâts. Trouver un boulot n’est tout simplement plus possible. Mais j’ai peut-être une piste, je verrai bien lundi »
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